dimanche 1 mars 2009

Georges (je rentre du travail)

Je rentrais du travail en suivant, haut dans le ciel, le vol des corbeaux. Le plus court chemin d’un point A à un point B sur une carte c’est le vol d’oiseau, tous les professeurs de géographie biologique vous le diront. Ainsi en suivant le cours de ces oiseaux j’étais sûr d’arriver vite chez moi. Je m’imaginais déjà retirant mes babouches rapiécées, me délestant de mon casque de protection et me vautrant dans ce bon vieux Georges. Oh je ne vous ai pas dit ? Georges c’est mon canapé. Cette perspective pantouflarde m’amena à presser le pas. Je n’accordais aucune importance aux vendeurs de journaux, mendiants, chiens errants, et traçais ma route. Dans un bon jour, avec le vent derrière moi et le petit bonhomme vert aux intersections, je pouvais facilement maintenir une petite vitesse de 5 kilomètres / heure, ce qui n’est pas rien. Arrivé à la porte de la maison, une odeur de gigot séché emportait mes narines, mon ventre suivi en glougloutant pavloviennement. Ma femme Gisèle savait mes faiblesses et en jouait. J’aurais pu vendre ma mère et me jeter du pont de la Garonne pour un gigot séché. J’entrouvre la porte.

- Gisèle ? Quoi de neuf ma bonne amie ? Je me délecte à l’avance de ton gigot dont le filet virevolte bien au-delà du seuil de notre villa, veux-tu que j’aille cueillir des olives dans le potager pour l’accompagner ?

- Ça ne sera pas nécessaire je l’ai farci aux framboises. En ton absence j’ai fait le repassage, le lavage, le brossage et la poussière. Georges a encore fait des siennes, il a accumulé en cachette en son dessous de nombreux moutons, je les ai trouvé en dépoussiérant. Enlève tes babouches avant de rentrer s’il te plait mon amour, tu vois bien que c’est propre.

- Pour les moutons, pense à bien le nourrir, nous les tuerons à la belle saison, le boucher peut nous en prendre un bon prix.

- J’y ai pensé je les ai mis dans l’enclos.

Ce bon Georges disposait de ressources insoupçonnées. Je m’affalais sur lui, je lui devais bien ça. Je suçotais un oreiller en allumant le tube cathodique : la météo commençait tout juste. Demain pluie, brouillasse et carambolages, ce programme à défaut de m’enchanter me comblait. Gisèle préparait la table et moi, tel un bon père de famille misogyne et mal élevé, préférais la compagnie du canapé à ma femme. Quelle belle ordure (moi pas ma femme).

Georges, regarde ce que tu as fait de moi : un vautreux, une patate de canapé, un cerveau disponible pour la publicité… J’avais honte et Georges baissait les yeux, penaud.

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